vendredi 24 février 2012

Haizi (1964-1989) - Le vieillard enlève la jeune fille

Soleil – La terre

« Quand la terre sera morte,
L’espoir pourra-t-il la remplacer ? »
(Août 1987)

Janvier, hiver
Chapitre un – Le vieillard enlève la jeune fille

Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la forêt, ancienne idole
Vieillard dans les relents d’alcool

Vieillard de désir, vieillard de mort
Toujours ivre
Et affamé
Bain de sang, fleur sacrée

Lui, la fleur sacrée
Eclose dans la plaine millénaire
Et moi, fils de la paix et du silence
Ensemble, ici

Vieillard de désir, vieillard de mort
Une rivière plus qu’humaine
Bain de sang, fleur sacrée

Dans la forêt, le vieillard
Vieillard de mort, vieillard de désir, à la treille s’abreuvant
Venu des amphores grises, au-delà de l’espoir
Son visage de désir et de mort
Comme un paisible village

Fleur sacrée, comme un bain de sang
Lui toujours ivre
Et affamé

Poussés par le vieillard des hautes plaines
Les génies de la lune, toujours écopent
Pour écoper, tisser le clair de lune
(Avec les os de la jeune fille)

Vieillard de désir, vieillard de mort
Etend les mains dans le ciel des hautes plaines
Cornes tordues du clair de lune
Pleines de génies, comme un automne triste

Automne, où les génies ne peuvent traverser
Au milieu des larmes, les cornes tordues de la nouvelle lune
Les chants de l’automne roulent dans leurs yeux
Comme au royaume des cieux, sur la berge vide du lac
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la plaine détroussant les voyageurs
Troupeau de buffles, déferlant sur la rivière, riche et désolée
Lune, bouquet de démons

Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans cette forêt à midi
Le vieillard ivre arrête la jeune fille

Cette jeune fille, c’est moi
Enfant de la plaine et de la paix
L’amoureux du poème, qui vit et meurt sous la lune

Vieillard de désir, vieillard de mort
Qui penche comme un jardin ivre
Etend les mains, arrête la vierge

J’ai voulu crier :
Génies de la lune, sœurs heureuses
Où êtes-vous ?

Une voix, les génies ne chantent pas
Humanité, vierge comme neige
Humanité, peur originelle
A l’aube
Au temps des oiseaux-mouches
Dans le silence des génies
Je suis brisé comme la plaine

Sur le lac, les lianes s’enroulent autour de mes genoux
Ma langue est comme un enfant taciturne
Dans cette vallée douloureuse
Sur cette plaine dorée
Le vieillard de désir, le vieillard de mort
M’a prise de force --
Humanité vierge, pleurant sans larmes

Ils écopent au loin dans l’automne coupé du monde
Ecopent avec les os de la jeune fille
Cornes penchées de la lune, pleines de génies amers
Mon destin, sans soutien, penche dans le soir

Larmes d’étoiles, suspendues au loin
Larmes, mes sœurs, roulant vers la rivière
Aube d’une infinie tristesse
Après la lune, verse l’eau de la terre

Enterre-moi dans la vallée après l’automne
Dans l’automne coupé du monde
Que la vallée le soir ressemble au cadavre du prince,
Jeune cadavre du prince, toujours sur mon corps
Soir et nuit sur mon visage
Je serai la jeune fille de la mort et de la vie éternelle

Enterrez les génies de la lune au jardin d’Eden
Vieillard de désir, vieillard de mort
Ivre, affamé, jardin qui penche
Je serai la jeune fille du jardin de la mort, et de la vie éternelle.


tableau d'Egon Schiele

 

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