mercredi 14 novembre 2012

Passage et relais

Chers amis connus, ou inconnus,

Depuis près de deux ans je tiens ce blog régulièrement. La lassitude s'installant, j'ai décidé de l'arrêter. Il vous appartient  maintenant. Allez visiter les archives, partagez les textes , les musiques, les images. En bref, utilisez le à votre guise !

Nous ne sommes que de passage ! J'ai essayé d'y mettre le meilleur de moi-même, avec en vue cette terre promise si bien peinte par ce merveilleux tableau de Patinir. Là aussi est un passage qui ne tient qu'à nous. Mais un fleuve est à franchir !




 
 

mardi 13 novembre 2012

Se perd-t-on pour toujours ?

Si tout ce qui vit
revient à sa source,
comment ce retour
sera possible
pour l'oiseau
privé d'ailes,
l'arbre sans racines
l'homme sans mémoire,
la terre sans lumière ?

Se perd-t-on pour toujours ?


      tableau de Marc Lavalle

Denis Marquet - Besoin d’amour ?

                       

Nous manquons d’amour. Quand nous explorons notre histoire, nous pouvons découvrir les causes de ce manque dans l’insuffisance à aimer des êtres qui se sont occupés de nous enfant.

Nous n’avons pas assez reçu, pas assez de soins, de toucher juste, de parole aimante, d’accueil et d’attention... Mais le point de vue psy (psychanalyse, psychothérapie, psychologie) ne va pas au fond du problème. Car si l’on y regarde de plus près, qui ne manque pas d’amour ? Même ayant eu les parents les plus attentifs, même avec les meilleurs amis du monde et le conjoint le plus amoureux, notre besoin d’amour peut-il être comblé ? On peut se le faire croire : il suffit de déplacer le manque sur autre chose (je n’ai pas assez d’argent, de considération, de pouvoir...) ou de s’anesthésier suffisamment pour ne plus éprouver la morsure de l’insatisfaction (par le travail, le divertissement, la rêverie, la consommation, etc.).

On peut aussi le faire croire aux autres en jouant la comédie valorisante de l’autosuffisance. Mais en toute honnêteté, qui peut se dire étranger à la carence affective ? L’être humain est l’animal qui manque d’amour.

Quelle peut être la raison de cet étrange phénomène ? Risquons une hypothèse : c’est que notre besoin d’amour est infini. Ce qui signifie que seul peut nous combler un amour infini. Voilà pourquoi nous sommes perpétuellement insatisfaits : car personne au monde ne peut nous gratifier d’un tel amour. Nous le mendions autour de nous, projetant sur autrui notre impossible aspiration et lui en voulant de ne pas nous apporter la plénitude. Mais soyons réaliste : ni père ni mère, ni amant ni amante, ni enfant ni ami ne combleront jamais notre aspiration à être aimé.

Faut-il pour autant désespérer ? Non ! Car si nous sommes travaillé par la nostalgie d’un amour infini, c’est que nous le portons en nous. Au plus intime de nous-même réside cet amour sans limite. Si nous cessons de le chercher où il n’est pas, dans ce monde extérieur où nous ne savons que projeter nos manques, alors nous le découvrirons. Non pas en espérant le recevoir de nous-même comme auparavant nous l’attendions des autres, mais en le prodiguant. Car l’amour est don. On ne l’éprouve donc qu’en le donnant.

La méthode en est simple : offrir ce que je souhaite recevoir. Je désire un geste de tendresse ? Je donne un geste de tendresse. Je veux que l’on m’écoute ? Je donne de l’écoute. J’ai besoin d’amour ? Je donne de l’amour. Alors, l’amour me traverse et je suis comblé. Car, au plus intime de moi, j’en ai découvert la source infinie.

Car manquer d’amour, c’est manquer d’aimer. Comme le dit encore Tariq Demens : « On ne manque jamais que de ne pas donner ce dont on croit manquer».

Petite mère, Leny Escudero


Y a des jours comme ça
J'voudrais que tout s'arrête
Et reposer ma tête
Dans le creux de ton bras.
Et là je voudrais tant
Oublier ma détresse
Sous l'infinie tendresse
Que m'apportait ta voix
Y a des jours comme ça
Lorsque ma tête roule
J'voudrais que tout s'écroule
Parc'que tu n'es pas là.

Dis-moi, Petite mère
Où est-il le chemin
Pour aller à naguère
Moi, je n'sais plus très bien
Dis-moi, Petite mère
Où est le vieux tilleul
Qui lorsque j'étais seul
Me croyant un poète
M'a entendu criant
Aux diables à la ronde
Je referais le monde
Lorsque je serais grand.

Maintenant tu sais
J'ai perdu l'insouciance
Au temps de mon enfance
Toi, tu me consolais,
Y a des jours comme ça
Ah! Dieu, que je regrette
Le temps perdu peut-être
Je ne comprenais pas,
Lorsque sur mon front lourd
Ta main venait si tendre
Comme pour y répandre
Ton coeur chargé d'amour.

Dis-moi, Petite mère
Où est-il le chemin
Pour aller à naguère
Moi, je n'sais plus très bien
Dis-moi, Petite mère
Où est le vieux tilleul
Qui lorsque j'étais seul
Me croyant un poète
M'a entendu criant
Aux diables à la ronde
Je referais le monde
Lorsque je serais grand.

Et maintenant tu vois
J'ai tant cogné ma tête
Aux murs de la planète
Je pleure d'être grand.

C'est donc cela le monde

Extrait de “October” de Mary Oliver, New and Selected Poems, Boston, Beacon Press, 1992, p. 62


Parfois, quand l’été tire à sa fin, je ne veux rien toucher, ni

les fleurs, ni les mûres dont

regorgent les fourrés ; je ne veux pas boire

à l’étang ; nommer les oiseaux ni les arbres ;

ni murmurer mon propre nom.


Un matin

le renard est descendu de la colline, splendide et confiant,

il ne m’a pas vue – et je me suis dit :


C’est donc cela le monde.

Je ne suis pas dedans.

C’est beau.
 
 

lundi 12 novembre 2012

Quand donc

... Quand donc, quand donc, quand donc y en aura-t-il assez de la plainte et de la parole ? N’y eut-il pas des maîtres
experts dans l’art de lier les mots humains ? Pourquoi donc les nouvelles tentatives ?
Est-ce donc, est-ce donc, est-ce donc que du livre
les hommes ne sont pas là comme d’une cloche qui ne cesse de sonner ?
Et lorsqu’entre deux livres le ciel silencieux t’apparaît : jubile ! – ou aussi bien un coin de simple terre dans le soir...
Plus que les orages, plus que les mers, ils ont
lancé des cris, les humains... Quelles surcharges de silence
doivent habiter le cosmos pour que le chant du grillon
nous soit demeuré audible, à nous, hommes vociférants, et pour que les étoiles
nous semblent silencieuses, dans cet éther que nous invectivons !
 
Mais c’est à nous qu’ils ont parlé, les très lointains, les anciens, les très anciens pères !
Et nous : écoutons-les enfin ! Nous, les premiers à les écouter.
.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments, édition bilingue, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, Verdier, 1990, p. 26-27, et Verdier / poche, 2007.
 
 
 

. "Ma bohème" Rimbaud . Dessin animé


Retrouvailles


C’est comme un pont,
Une passerelle
Entre deux mains
Qui ne se sont
Jamais rejointes,
C’est une épaule
Où se blottir enfin
Après le refus
Qui ne comprenait
Même pas son refus !
C’est un havre, un port,
Où l’on respire,
Conscient de respirer
Conscient de vivre,
C’est un berceau
A la lumière
Où l’on est bien,
Où le baiser
Que l’on attend
Remplira le ciel
D’étoiles à l’infini !
 
 

dimanche 11 novembre 2012

Sois tranquille, cela viendra !


Sois tranquille, cela viendra ! Tu te rapproches,

tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin

du poème, plus que le premier sera proche

de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin.

 

Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches

ou reprendre souffle pendant que tu écris.

Même quand tu bois à la bouche qui étanche

la pire soif, la douce bouche avec ses cris

 

doux, même quand tu serres avec force le noeud

de vos quatre bras pour être bien immobiles

dans la brûlante obscurité de vos cheveux,

 

elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,

de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,

elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.

Philippe Jacottet  (L'Effraie, éditions Gallimard)


Terry Riley ~ Lands End


Testament blanc

Son testament sera blanc !
Ecrivez-y votre désir
d'océan, de montagne
ou d'enfant innocent !
Il s'absentera du temps
avec quelques rêves
pour baluchon !
Il y a milles manières
de célébrer le Mystère,
il a chanté pour cela !
Encore quelques
milliers de notes,
et il sera l'oiseau
sans chagrin
échappé du filet !


samedi 10 novembre 2012

Barbara de Prévert, chanté par Montand


- Barbara -
Rappelle-toi Barbara 
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là 
Et tu marchais souriante 
Épanouie ravie ruisselante 
Sous la pluie 
Rappelle-toi Barbara 
Il pleuvait sans cesse sur Brest 
Et je t'ai croisée rue de Siam 
Tu souriais 
Et moi je souriais de même 
Rappelle-toi Barbara 
Toi que je ne connaissais pas 
Toi qui ne me connaissais pas 
Rappelle-toi 
Rappelle-toi quand même jour-là 
N'oublie pas 
Un homme sous un porche s'abritait 
Et il a crié ton nom 
Barbara 
Et tu as couru vers lui sous la pluie 
Ruisselante ravie épanouie 
Et tu t'es jetée dans ses bras 
Rappelle-toi cela Barbara 
Et ne m'en veux pas si je te tutoie 
Je dis tu à tous ceux que j'aime 
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois 
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment 
Même si je ne les connais pas 
Rappelle-toi Barbara 
N'oublie pas 
Cette pluie sage et heureuse 
Sur ton visage heureux 
Sur cette ville heureuse 
Cette pluie sur la mer 
Sur l'arsenal 
Sur le bateau d'Ouessant 
Oh Barbara 
Quelle connerie la guerre 
Qu'es-tu devenue maintenant 
Sous cette pluie de fer 
De feu d'acier de sang 
Et celui qui te serrait dans ses bras 
Amoureusement 
Est-il mort disparu ou bien encore vivant 
Oh Barbara 
Il pleut sans cesse sur Brest 
Comme il pleuvait avant 
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé 
C'est une pluie de deuil terrible et désolée 
Ce n'est même plus l'orage 
De fer d'acier de sang 
Tout simplement des nuages 
Qui crèvent comme des chiens 
Des chiens qui disparaissent 
Au fil de l'eau sur Brest 
Et vont pourrir au loin 
Au loin très loin de Brest 
Dont il ne reste rien.  

Jacques Prévert


Le cancre de Prévert


Tu mens !

Tourment,
tu mens !

Si calme
est le fond
de la mer !

Ne te tourmente
donc pas tant !

Coquille de noix
est ta vie !

Elle peut disparaître
englouti
par l'Océan
puisque déjà
tu as plongé !


Peinture de Louis Garneray

vendredi 9 novembre 2012

Prévert

Il lit une poésie
de Jacques Prévert
aux enfants émerveillés !
Les mots percent la toile
de la nécessité !
Derrière commence
le seul pays nécessaire,
celui de l'âme qui danse !


"Aller vers les autres m'a sauvée !"

 
Lytta Basset, théologienne, écrivaine, accompagnatrice. Ses livres s’arrachent et ses conférences affichent complet. Elle y parle d’une force divine qui lie l’humanité: le souffle d’amour.


 

Vos livres ne cessent de cerner des émotions qui nous touchent tous, telle la colère. Où trouvez-vous vos thématiques?

Elles sont ce que je vis, simplement. Tout ce que j’écris provient de questions personnelles auxquelles je me suis confrontée. Je ne peux pas écrire sur ce que je n’ai pas expérimenté.

Vous avez traversé des drames dans votre vie, tel le suicide de votre fils Samuel, en 2001. Que peut-on construire sur cette souffrance?

La souffrance nous met devant un choix: vais-je me replier définitivement sur moi et décider qu’il n’y a rien à attendre? Beaucoup de personnes mettent effectivement leur fierté à dire qu’elles n’ont jamais besoin de personne. Il existe l’autre option: j’ai l’impression de me trouver dans un bourbier mais je reste ouverte.

Qu’avez-vous fait quand votre fils est mort?

Aller vers les autres m’a sauvée. Je ne sais s’ils pouvaient comprendre ce que je vivais, en particulier ceux qui n’avaient jamais perdu un enfant ou n’en avaient pas. Mais j’y allais quand même.

Et alors?

Cela faisait si mal que je devais absolument parler à des êtres humains, même si j’ignorais comment ils allaient réagir. Si on calcule tout et qu’on exige une réponse adéquate, il ne se passe rien. Dans mon passé plus lointain aussi, ce que j’ai vécu a été si insupportable que je me demande encore comment j’ai survécu. Il a pourtant dû y avoir une petite ouverture par où ce souffle d’amour est passé…

Vous dites que la blessure de la séparation ne saigne plus…

Oui, elle est tout à fait fermée, même si je sais où est la cicatrice. En mai, cela fera dix ans que Samuel n’est plus là. Peu à peu, je l’ai laissé partir. C’est toujours l’apprentissage de l’amour: laisser l’autre être lui-même. Lui laisser le droit de vivre son chemin comme il l’entend. L’aimer dans cette distance qui est un respect de son territoire à lui. Pour moi, Samuel est juste de l’autre côté du voile. Il nous laisse vivre ce que nous avons à vivre sur cette terre. Sa proximité est aujourd’hui plus grande du fait que j’ai consenti profondément à le laisser partir. Je ne fais pas dépendre mon bonheur de sa présence physique. Aimer sans dévorer, comme le titre de mon dernier livre.

L’amour, la force du lien. C’est ce qui parcourt ce livre. Vous appelez cela «le souffle». Quel est-il?

Le fil rouge de ce livre, c’est lui, cet échange d’amour auquel on aspire mais qu’on ne peut créer de toutes pièces. Ce souffle d’amour ne peut être emprisonné. Sans cesse, il bouge et nous fait bouger. Même si l’on vit une relation forte, par exemple des décennies d’amour en couple, ce n’est pas dans la poche une fois pour toutes. On ne peut jamais dire: j’ai réussi mon couple. Je préfère dire: je m’expose chaque jour à ce souffle d’amour, qui n’est pas juste un courant d’air.

Comment s’exposer à ce souffle?

Je fais beaucoup d’accompagnements, depuis des années. Ce qui me frappe dans tant de problèmes relationnels, c’est à quel point les gens se ferment et disent que cela ne changera jamais, que l’autre ne changera pas. C’est vraiment le déni du souffle, croire que rien ne peut bouger. Quand vous fermez vos portes et vos fenêtres, difficile que l’air passe. Si vous vous exposez, il peut arriver des choses surprenantes.

Vous l’expliquez comment?

Quand on a été écorché dans une relation affective, on décide souvent de ne plus s’investir: on ne m’y reprendra plus.

D’où vient-il?

Il vient d’ailleurs. Je suis de spiritualité chrétienne, mais d’autres pourraient parler du même souffle en appartenant à une autre religion, ou à aucune. Beaucoup de personnes athées ou agnostiques m’assurent qu’elles font des expériences similaires. Ce souffle n’est pas réservé aux chrétiens. Jésus lui-même dit qu’un jour viendra où les vrais adorateurs n’iront pas au temple à Jérusalem mais adoreront «dans un souffle et dans la vérité». N’importe quel être humain peut être traversé: c’est un souffle universel. Personne ne le crée et il peut te prendre à tout moment.

Pourquoi écrivez-vous?

Au début, je n’avais pas imaginé que j’allais publier. J’ai écrit ma thèse de doctorat dans un style aussi accessible que possible. J’ai été très étonnée de l’écho. Il y avait une telle demande, une telle reconnaissance. Je reçois énormément de lettres: des personnes me disent que tel ou tel livre les a sauvées. C’est le souffle d’amour qui fait cela: à travers mon expérience intime, la vie se transmet. Je sens aujourd’hui que je n’ai pas le droit de garder cela pour moi.


 

Larry Carlton


La morsure

La morsure de la nuit,
où mord-t-elle ?

Regarde ses dents
intensément !

A qui font-elles mal ?

Tu es plus loin,

les cisailles mordent
du vide,

et toi, tu marches
paisible et accepte
d'être creusée
par les mâchoires
de la nuit,

là, droite et libre,

alors que tu devrais
être engloutie
d'insupportable,

là, avec un regard doux
pour cette plainte
qui gît dans
son sang d'amertume,

tu vois un pays
qui s'offre et
se déroule
dans la tranquillité
d'un espace
où tu es
ce que tu dois être !


                               tableau d'Egon Schiele

jeudi 8 novembre 2012

Voyager sa vie

Chacun de nous est une expérience unique, un chemin que je ne saurais résumer ou réduire. Je ne pourrais que l’évoquer ; chaque histoire, avec sa cohorte de joies et de violences, de deuils, de séparations, d’amours et de jours sereins. En même temps, oserais-je dire à quel point, au centre, au fond, nos vies et nos désirs se ressemblent… Capacité à vivre en s’éveillant ou plutôt en s’émerveillant sans trop contrôler le navire de notre vie, le déploiement du rêve et de l’âme profonde….. Appétit de « mettre au monde », d’accomplir, quelle que soit la vie, le quotidien, le milieu, le nombre d’enfants… Je lisais ces jours-ci un écrit vantant le fait que la quête et l’intense ne pourraient se vivre que dans la solitude et les sommets… Nous prenons souvent comme hauteur, voire grandeur et spiritualité, la difficulté que nous éprouvons à descendre dans nos vies, dans les pieds de notre vie, dirais-je ! Et nous nous trompons nous-même en en faisant de la philosophie. Quelle peur indicible de la vie, quel manque de foi, quel manque d’accès réel au chant profond nous font porter les yeux vers certaines formes de vie seulement ? Pourquoi le rare et le précieux, disons la source, seraient plus près de la cervelle que du sexe, extérieurs à notre corps et à notre expérience terrestre ? Quel désir d’évincer la mère, la terre ! La matière serait-elle moins sacrée que l’esprit ? La voie du milieu ne consiste t’elle pas à vivre entre ciel et terre et avec les autres… nos semblables… !
La source jaillit dans la mousse des sous-bois, le Christ est né au moment le plus sombre de l’année, mais nous continuons, comme des papillons à être fascinés par les lumières. Nous sortons du Siècle des Lumières, pas vrai ?
Mais quel dommage, mais quel tracas et au fond quelle déchirure à ainsi colporter la dualité du haut et du bas, du temporel et de l’éternel, du féminin et du masculin, de la mort et de la vie, alors que tout est cycle et transformation, saison, renouvellement nécessaire. Quelle bouderie à la gourmandise du vivre, à la chaleur tendre et émouvante de notre corps de vie, tous ces désirs de perfection et de sommet ! Quelles dépressions sournoises et cachées, grimées en autres choses, nous font ainsi rester coincés en haut de la piste, grelottant de froid, figés et regardant de haut les vallées humaines. De quoi avons-nous peur ? Que la neige ne soit pas bonne ? Que nos jambes ne soient pas fortes ? Que la pente soit trop raide ? Ou qu’une fois rendus dans la vallée on s’y ennuie ? Ou qu’on y soit prisonnier ? Le problème n’est pas d’avoir peur car nous avons tous peur mais nous avons tous besoin d’approcher, d’apprivoiser ces peurs profondes de la vie et de la mort… Parce que l’on est venu s’engager dans une vie terrestre, s’y mêler, démêler, tresser, impliquer, y faire des racines. Parce que nous sommes venus pour naître, pour prendre vie, pour apprendre la densité terrestre, pour vivre avec soi comme avec l’Autre.
Nous ne sommes pas venus pour rester coincés aux étages, ni encore au grenier, dans les cartons d’idées et de bonnes pensées. En suivant mes rêves, ces dernières années, j’ai compris avec mon corps que l’alchimie devait avoir lieu dans la coupe humaine, le rire des enfants et le linge qui sèche sur le fil, dans le mouvement certes imparfait de nos amours, et les limites parfois difficiles de nos engagements terrestres. Si nous ne comprenons pas cela, nous continuerons à opprimer, à tuer sans ressentir de souffrances, à être entraînés dans des holocaustes, parce que nous aurons perdu cette part de nous-mêmes, que tant et tant veulent arracher de l’arbre, et qui est notre pâte humaine, celle par laquelle on aime, on déteste, on se révolte, on souffre, on sent. OUI, nous sommes venus créer des liens avec notre humanité. Nous sommes venus mettre à flots cet esquif fragile, éberlué dans la ronde des temps, de la lune et du soleil, et c’est une aventure extraordinaire qui a lieu dans le plus ordinaire de nos vies ! Quand vous avez le courage, pourrais-je dire, de vous occuper de vos peurs, de vos fragilités, de votre Lazare intérieur, sans l’occulter, sans le fuir, sans le falsifier, sans le « métaphysiquer », quand vous accueillez cette part de vous-mêmes, ce quart-monde dirais-je, alors seulement, vous êtes entier, vous êtes vrai. Vous, vous pouvez juste être complet, Jean qui rit et Jean qui pleure, accepter. Ce n’est plus notre existence et notre solitude qui sont les valeurs du jour, mais notre capacité à « co-exister ». Que l’on vive seul, en famille, en société, peut-on se sentir responsable et sortir des impasses qui consistent à nous faire passer de la victime au bourreau et du bourreau à la victime ? Peut-on arrêter de juger, de se juger, peut-on apprécier les choses et les êtres tels qu’ils sont, sans chercher à changer quoi que ce soit ?
Rencontrer la vie exige que nous renoncions à la magie et au pouvoir, au contrôle, que nous la rencontrions dans son « entièreté ».
Les Chinois, dans le Yi-king, ne disent-ils pas que seul celui qui accepte d’être en bas est élevé ?
Les « vrais gens » sont au fond assez ordinaires, ils ne sont pas parfaits, mais ils sont complets, et comme ils sont « naturels », tout fleurit sur leur passage. Ils vivent, aiment, se mettent en colère, et font leur marché comme tout le monde ! C’est une grâce de savoir reconnaître le précieux dans des formes de vie apparemment quelconques, un peu comme dans les contes, la vieille femme fatiguée qui vous demande un peu d’eau du puits et qui n’est autre que la bonne fée. Il arrive que le jeune orgueilleux ne la reconnaisse pas. Les histoires de vie et de sagesse nous enseignent souvent qu’il ne faut pas se fier aux apparences. L’imitateur, le tentateur, sait séduire, lui, qui se présente sous le plus radieux des visages.
Les vrais gens ont de l’âme et du corps, pas toujours le vocabulaire ou la distinction, telle qu’on se la représente dans nos contrées.
Dans mes voyages, surtout où la civilisation n’a pas encore trop planté sa griffe avide, j’ai rencontré des vrais gens et des gens vrais. Me les représenter intérieurement m’apporte une sorte de jubilation sauvage. Ces gens sont dans leurs corps. Je pense à mes amies noires, fortes, fécondes, avec des formes généreuses et rebondies, leur goût à danser, à donner la vie, leurs boubous aux couleurs multicolores, leurs rires qui fusent. Je pense à ces femmes, en France, leur force à s’entraider, à acter, à communiquer. Leur peau est couleur de bois, de sable, de terre. Elle a du grain, de la force, de la sève. Personne ne m’a dit, sur les bancs des écoles où je ne tenais pas en place, que l’intelligence est multiple et multidimensionnelle. Quand je pense à mes amies, oserais-je dire mes sœurs émergeant juste de l’esclavage, et je n’exagère pas en disant cela, je suis même optimiste, je me dis que la voie jungienne qui nous mène à accepter de vivre avec notre entièreté, est une voie totalement et radicalement révolutionnaire car elle mène à ne plus projeter un mal dehors qui n’est que de la peur et de l’inconnu en nous-mêmes.
 Si nous pouvions toucher du doigt nos propres manques, nous parlerions plutôt d’échanges, de partages, nous prendrions dans nos poitrines les rires et la charnalité de certains, nous laisserions certaines de nos abondances d’hommes et de femmes riches mais pauvres de partage, nous arrêterions cinq minutes de nous sentir au-dessus du « lot »… Si nous connaissions nos « Lazare » intérieurs, nous arrêterions de voir les pauvres à l’extérieur de nous-même. Nous pourrions alors découvrir ce qui est riche dans le pauvre, ce qui serait bon pour nous les riches et laisser notre pauvreté s’enrichir un peu !

Geneviève Chincholle-Quérat

Phaeleh - Should Be True


La réponse du regard


 

Sur le blanc du papier,

une ligne d'encre noire

avance vers l'inconnu.

 

C'est un homme qui

a quitté la ville,

veut toucher l'arbre

qui éclate de lumière

au bord du canal.

 

Si on lui demande

qui il est, il ouvre

un peu plus les yeux.

 

Tous les oiseaux sont là,

ils triomphent, exultent

dans ce silence.
 
 
 

 
photo de Jérôme Delfosse
 

mercredi 7 novembre 2012

Sophie Hunger


Au plus simple

Au plus simple
étonné de l'étoile,
comprendre qu'ici
il ya un océan

et être matin
à chaque heure du jour
en laissant aller
ce qui doit disparaître !


               tableau de Giovanni Bellini

mardi 6 novembre 2012

Tantôt, tantôt



« Sans cesse, il se sent bousculé celui que l’Amour a touché ; Il lui faudra goûter  bien des heures indicibles.Tantôt l’ardeur, tantôt le froid, tantôt la crainte, tantôt l’audace.Sans cesse surgit l’incertitude. Et l’amour bien souvent rappelle tout ce qu’il faut payer  afin de partager ces merveilles que sa richesse nous propose, tantôt l’allégresse, tantôt l’angoisse,tantôt si loin, tantôt si près,[…]tantôt abattue, tantôt exaltée, tantôt caché, tantôt révélé,[…]tantôt légère, tantôt pesante, tantôt obscure, puis toute de clarté, libre et consolée ou nouée par la crainte, comblée ou démunie, telle est l'existence de l'âme éprise d'amour ! »

Hadewijch d'Anvers


tableau de Martine Bligny

Long, long chemin G. Manset





Rien n'égale
Un ciel sans une étoile
Où rien ne changera
Où tu t'endormiras.

Si tu veux trouver celui que tu aimes,
C'est un long long problème
Et tous les matins sont les mêmes,
Qu'ils soient de plumes ou de paille
Ou de tessons de bouteilles,
Qu'ils soient d'ombre ou qu'ils soient de soleil,
Si tu veux trouver l'autre demain,
C'est un long long chemin.

Où que tu ailles,
Il y aura de l'eau, de la paille,
Il y aura de l'eau, de la paille
Et de l'herbe tendre au creux des reins
Sur ton chemin.
Il y aura de l'eau, du soleil,
Il y aura de l'eau, du soleil.
Aucun jour, aucune nuit ne seront pareils
Mais, c'est un long long chemin.
C'est comme une épine au creux de ta main.
C'est un long long chemin,
C'est un long long long long long long long long long long long chemin
Car trouver celui qu'on aime,
C'est un long long problème.
C'est un long long long long long long long long long long long problème.
C'est un long long long
Long long long
Long long long
Long long long

Où que tu ailles,
Il y aura de l'eau, de la paille,
Il y aura de l'eau, de la paille
Et de l'herbe tendre au creux des reins.
Tout au long du chemin,
Le long long long
Long long long
Long long long
Long long long
Long

Alors, quand ce sera lui,
Court au devant de lui.
Tu seras comme dans ses bras
Libre, près de son coeur ouvert.

La nuit apporte

Nue évidence
à se tenir seul,

apparition du paysage,

odeur de feuilles mortes
qui revient de l'enfance,

la pluie éloigne
toutes choses.

Elle enlève
les dernières couleurs
du jour !

Chacun se tient
au bord du silence
qui vacille,

inquiétude
de la mésange
sous les branches
ruisselantes,

le vent enlève
de l'or
à chaque rafale !

Surprise
d'un rayon de soleil
qui rejoint la paix
des yeux clos,

massif neigeux
de nuages
à l'horizon,
en embuscade,

tout lâcher,
s'éloigner !

Vaines pensées,
livres empilés
qui ne contiennent
que des mots,

chacun se croit
à l'abri derrière
la croix de sa fenêtre,

près d'une lampe
qui appelle
dans la nuit de Novembre.

Des hommes en noir
bougent leurs lèvres
sur un écran bleu,

parlent de sang
et de morts,

un chat ronronne,

une enfant attend
le regard de son père
qui doute de l'homme
rivé à ses images
meurtrières,

et la nuit
apporte ses reflets,

partout des miroirs
sombres renvoient
de la solitude !

des maisons se dévoilent,
cuisine vide
avec des bouteilles
sur la table,

chambre
au lit défait,

vieillard
aux mains croisés
qui dort dans son fauteuil !

la nuit apporte
des étoiles électriques
sur la face blafarde
des immeubles,

la nuit fait pousser
la barbe d'ombres
des arbres qui
irrite les nuages,

la nuit prépare
un souper de rêves
mystérieux
qui dès l'aube
seront oubliés,

peut-être ?


tableau de Hopper



lundi 5 novembre 2012

Abîme de l'amour

Depuis longtems j'ai perdu connoissance ;
Dans un gouffre je me vis abîmer ;
Je ne puis plus supporter la science ;
Heureux mon cœur, si tu sais bien aimer.



Perdu, plongé dans des eaux ténébreuses,
Je ne vois rien, et je ne veux rien voir ;
Mes ténèbres sont des nuits amoureuses ;
Je ne connois mon bien ni mon espoir.



Dans ce profond d'amour inexplicable,
On m'élève bien au-dessus de moi ;
C'est un nuage obscur, invariable,
Où l'âme ne voit qu'une sombre foi.



C'est un brouillard plus clair que la lumière ;
Je ne puis exprimer sa sombre nuit :
On ne dessille jamais la paupière ;
Dedans ce lieu l'on n'entend aucun bruit.



Ces ténèbres où règne le silence,
Font le bonheur de ce cœur amoureux ;
Tout consiste dedans la patience
Qu'exerce ici cet amant généreux.
 
Madame Guyon

 
 
 


 

René Char dit par Laurent Terzieff


Mots sans pouvoir

Jour qui ne
se consomme pas,

voix libre
que rien n'emprisonne,

fleur passante
qui meurt et ignore
sa beauté,

nuages déjà lointains
que borde le crépuscule,

vol de l'oiseau
qui ne connait pas
de chemin,

mots qui êtes là
comme les perles
d'un collier
que la mort referme,

mots que l'on enfile
pour attendre le jour
où une réponse se donne,

mots lucioles
qui s'éteignent si vite,

mots sans pouvoir
qui cherchent un ami,

que vouliez-vous dire ?



dimanche 4 novembre 2012

Léo Ferré, les poètes de sept ans ,Arthur Rimbaud

 
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

Tout le jour il suait d'obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe,
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
À se renfermer dans la fraîcheur des latrines :
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.

Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son œil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, œil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s'effrayait ; les tendresses, profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, — qui ment !

À sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes ! — Il s'aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'œil brun, folle, en robes d'indiennes,
— Huit ans, — la fille des ouvriers d'à côté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons ;
— Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;
Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve.
Il n'aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
— Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !

Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulements, déroutes et pitié !
— Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, — seul, et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile !

Depuis le début du monde

Il le voit bien,
depuis le début du monde
les arbres et les fleurs se taisent !
Si seulement la parole de l'homme
partait de ce silence,
quel poids auraient alors les mots !
Ils ne seraient plus là
pour échapper au vide
d'où peut grandir la flamme !
Ils couleraient de source
la plus profonde,
enchanteurs et recréeraient
le monde à leur passage !

 
tableau de Maurice Denis

samedi 3 novembre 2012

Murcof, Rostro


Nuits d'absence, Léo Ferré



Album " Les Loubards " , ( 1985 )
Text: Jean-Roger Caussimon

II est des nuits où je m'absente
Discrètement, secrètement...
Mon image seule est présente
Elle a mon front, mes vêtements...
C'est mon sosie dans cette glace
C'est mon double de cinéma...
À ce reflet qui me remplace
Tu jurerais... que je suis là...

Mais je survole en deltaplane
Les sommets bleus des Pyrénées
En Andorre-la-Catalane
Je laisse aller ma destinée...
Je foule aux pieds un champ de seigle
Ou bien, peut-être, un champ de blé
Dans les airs, j'ai croisé des aigles
Et je croyais leur ressembler...

Le vent d'été, parfois, m'entraîne
Trop loin, c'est un risque à courir
Dans le tumulte des arènes
Je suis tout ce qui doit mourir...
Je suis la pauvre haridelle
Au ventre ouvert par le toro...
Je suis le toro qui chancelle
Je suis la peur... du torero...
Jour de semaine ou bien dimanche?
Tout frissonnant dans le dégel
Je suis au bord de la mer Blanche
Dans la nuit blanche d'Arkhangelsk...
J'interpelle des marins ivres
Autant d'alcool que de sommeil:
"Cet éclat blême sur le givre
Est-ce la lune... ou le soleil?"

Le jour pâle attriste les meubles
Et voilà, c'est déjà demain
Le gel persiste aux yeux aveugles
De mon chien qui cherche ma main...
Et toi, tu dors dans le silence
Où, sans moi, tu sais recouvrer
Ce visage calme d'enfance
Qui m'attendrit... jusqu'à pleurer...

Il est des nuits où je m'absente
Discrètement, secrètement...
Mon image seule est présente
Elle a mon front mes vêtements...
C'est mon sosie dans cette glace
C'est mon double de cinéma
À ce reflet qui me remplace
Tu jurerais... que je suis là...

Il est des nuits, où je m'absente
Discrètement, secrètement...
Mon image seule est présente
Elle a mon front mes vêtements...
C'est mon sosie dans cette glace
C'est mon double de cinéma
À ce reflet qui me remplace
Tu jurerais... que je suis là...

Trois poésies de Jean Mambrino (1923-2012)

Le ciel imprègne la plage
Où luit l'image de la mer
Moins radieuse que ton silence

» » »

Mais ne méprise jamais pèlerin
Dans les derniers replis du soir
Au bord des lacs où dorment les montagnes
La femme, plus odorantes que les pains
Au corps de pollens et de raisins noirs.
» » »
Les grands automnes descendent de la montagne
en silence
Jusqu'aux abeilles qui abandonnent nos dernières roses
Où la rosée du matin
A déjà le parfum de la neige.

 

Un arbre flambe

Un arbre flambe
buisson ardent
au soleil matinal.
Chacune de ses feuilles
est une flamme
qui essaye d'éveiller
les marcheurs machinaux.

Mais lèveront-ils
les yeux à temps ?
Car il suffira d'un nuage
pour que tout s'éteigne !