et pour tous ceux qui le suivent, un dernier poème de Rumi :
Nous qui, sans coupe et sans vin, sommes contents, Nous qui, honnis ou louangés, sommes contents. « A quoi aboutirez-vous» nous demande-t-on; A nous qui, sans aboutir à rien, sommes contents.
Merci à Marc pour ce poème de Michaux qu'il m'a fait découvrir !
AGIR, JE VIENS
Poussant la porte en toi, je suis entré Agir, je viens Je suis là Je te soutiens Tu n'es plus à l'abandon Tu n'es plus en difficulté Ficelles déliées, tes difficultés tombent Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus Je t'épaule Tu poses avec moi Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin Qui te porte Qui te monte Qui t'accomplit
Je t'apaise Je fais des nappes de paix en toi Je fais du bien à l'enfant de ton rêve Afflux Afflux en palmes sur le cercle des images de l'apeurée Afflux sur les neiges de sa pâleur Afflux sur son âtre... et le feu s'y ranime
AGIR, JE VIENS Tes pensées d'élan sont soutenues Tes pensées d'échec sont affaiblies J'ai ma force dans ton corps, insinuée ...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchi La maladie ne trouve plus son trajet en toi La fièvre t'abandonne
La paix des voûtes La paix des prairies refleurissantes La paix rentre en toi
Au nom du nombre le plus élevé, je t'aide Comme une fumerolle S'envole tout le pesant de dessus tes épaules accablées Les têtes méchantes d'autour de toi Observatrices vipérines des misères des faibles Ne te voient plus Ne sont plus
Équipage de renfort En mystère et en ligne profonde Comme un sillage sous-marin Comme un chant grave Je viens Ce chant te prend Ce chant te soulève Ce chant est animé de beaucoup de ruisseaux Ce chant est nourri par un Niagara calmé Ce chant est tout entier pour toi
Plus de tenailles Plus d'ombres noires Plus de craintes Il n'y en a plus trace Il n'y a plus à en avoir Où était peine, est ouate Où était éparpillement, est soudure Où était infection, est sang nouveau Où étaient les verrous est l'océan ouvert L'océan porteur et la plénitude de toi Intacte, comme un œuf d'ivoire.
" Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée.
On a vu les jeux incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui paraissait perdu. Mais on n'a pas vu mouiller ce qui était verni, on n a pas vu traverser ce qui était imperméable, on n'a pas vu tremper ce qui était habitué... Les "honnêtes gens" ne mouillent pas à la grâce.
C'est que précisément les plus honnêtes gens, ou simplement les honnêtes gens, ou enfin ceux qu'on nomme tels, et qui aiment à se nommer tels, n'ont point de défauts eux-mêmes dans l'armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute.
Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu'est essentiellement le péché.
Parce qu'ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout. La charité même de Dieu ne panse point celui qui n'a pas de plaies.
C'est parce qu'un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C'est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l'essuya d'un mouchoir. Or celui qui n'est pas tombé ne sera jamais ramassé; et celui qui n'est pas sale ne sera pas essuyé."
La vie prend certains détours. La vie est bien plus vaste que nous et c'est vraiment dans l'ordre des choses que d'accepter l'inévitable. Je ne parle pas de l'inévitable dans l'avenir mais de l'inévitable maintenant. L'avenir, nous ne le connaissons pas et parler d'inévitable quand il s'agit de l'avenir, c'est vraiment pure imagination. Le futur n'est prévisible que dans la mesure où nous ne sommes pas prêts à accepter le moment présent.
Pour la plupart d'entre nous, l'avenir est inévitable parce que notre passé a défini notre existence et que nous ne faisons rien par rapport à cela. Si notre névrose est une névrose d'échec, nous pouvons être certains que nous allons échouer dans l'avenir. Tant que nous sommes dans le déni, tant que nous résistons, que nous réagissons au lieu d'accepter ce qui est, le futur est extrêmement prévisible : la même chose va se répéter encore et encore.
Notre existence peut changer mais notre réaction va être la même à chaque fois où que nous soyons. Vous avez déménagé après avoir vécu à l'étranger mais il est probable que vous auriez rencontré là-bas les mêmes difficultés que celles que vous rencontrez en France et que vous auriez réagi de la même façon. Ce qui peut tout changer, c'est la manière d'accepter les choses telles qu'elles sont parce qu'alors l'avenir n'existe pas. Même l'instant suivant n'existe pas : quand l'instant suivant vient, il est toujours maintenant. Dans cette optique, tout est possible et le vieux scénario prévisible ne se répète pas. Arrêtez de prétendre que vous êtes plus grand(e) que la vie et cessez d'être frustré(e) parce que la vie ne suit pas vos ordres.
Parfois on a fait tout ce qu'il fallait faire et néanmoins la vie ne répond pas. Ce n'est pas la peine de se demander si on s'y est mal pris car là n'est pas la question. On peut avoir fait tout le nécessaire mais peut-être n'était ce pas le moment opportun ou y a-t-il une cause que nous ignorons.
Travaillez donc avec votre existence telle qu'elle est.
Souvent, c'est l'attente elle-même qui éloigne la réalisation. Si vous vous contentez d'être un avec ce qui est, avant même de vous en apercevoir vous aurez déjà obtenu ce que vous vouliez depuis toujours. C'est comme si, dès que vous arrêtez de tendre vers quelque chose, cette chose vers laquelle vous tendiez vous tombe dans le giron.
Extraits de Oui et alors ? de Lee Lozowick, ed. La table ronde, p.43
Alexandre Jollien dans « La construction de soi » s’adresse à Spinoza :
J’ai mieux compris la souffrance d’être « différent », les moqueries et ma volonté d’être normal. Je ne conçois guère de regrets lorsque j’observe une mésange virevolter dans le ciel. Je n’ai pas d’ailes et elles ne me font pas défaut. Pourtant, imaginons que les hommes, les femmes, tous les êtres qui m’entourent puissent voler. Il y a fort à parier que j’envierai ces drôles d’oiseaux. Oui, c’est la comparaison qui accentue les privations et inflige les différences. En une page vous illustrez les combats de ma vie. Avec finesse, vous mettez les doigts sur une blessure. Je la devine désormais ; « Tu as vu le vélo à trois roues ? », « Il est rigolo le monsieur sur son tricycle ». Pour assumer ma singularité, j’ai ouvert votre Ethique.
Pour nous rassurer, nous comparons. Cependant en scrutant les autres, nous nous exposons à l’exclusion, à la différence, au manque. Comment en finir avec cette propension à se référer sans cesse à des modèles ?
Depuis peu, depuis vous, je commence à bannir les comparaisons sans devenir assez fou pour vouloir toutes les abolir. Simplement, je souhaite les purifier et ne conserver que celles qui me sont réellement utiles. Certes l’existence réclame ses références et une tonique émulation libère les possibilités qui sommeillent dans un individu. D’ailleurs l’esprit possède par induction, il tire profit de l’expérience, analyse et extrait une loi de la multiplicité des situations. Sans relâche il établit des parallèles, ose des rapprochements pour y puiser de profitables enseignements. Aussi, c’est grâce à la comparaison que je n’ai pas besoin de me brûler deux fois les doigts pour savoir que l’eau bouillante est dangereuse. Il serait vain d’éliminer cet instrument de la vie.
Une chose est de l’utiliser comme un moyen de progresser, une autre de l’installer au cœur de la vie. Celui qui dirige systématiquement son regard ailleurs, en se laissant déterminer par ce qu’il aperçoit, finit par ressembler à une éponge, ou à un esclave qui n’existe que par imitation. Naturellement, le spectacle du bonheur, le renvoyant à ses propres échecs, le plongera non dans la joie, mais dans la haine de soi. A l’inverse, quand le mécontentement et l’envie nous tiraille, il est tentant de nous rassurer en nous attardant sur le sort des plus malheureux. Tant que nous ne vivons que relativement à nos semblables, tant que nous quémandons au premier venu son approbation, ses louanges, nous ne saurions jouir de la paix. Réconfort, amour, assurance, se cultive aussi à domicile. Comment cesser de continuellement nous positionner par rapport à autrui ?
Les morts ont des anges gardiens en chrysanthèmes Ils ont des lits tous alignés comme au dortoir Et soulèvent parfois de singuliers problèmes "To be or not to be", c´est à voir
Les morts ont des anges gardiens en perles fines Serties et mortuaires en couronnes d´adieu Ils sont riches, ces morts qui s´en vont à matines Prier pour des vivants qui n´ont plus besoin d´eux
Il est des morts qui font germer les fleurs des champs Et ces bourgeons d´amour sentent la remembrance Et font au cimetière un relief d´ortolans Où viennent picorer les oiseaux du silence
Je sais d´étranges morts qui ne pourrissent pas Et qui sont beaux comme la chair adolescente Ce sont ceux-là dont les vivants parlent tout bas Anges assassinés de leur jeunesse ardente
{Parlé:} Les morts ont des anges gardiens en chrysanthèmes Ils ont des lits tous alignés comme au dortoir Et soulèvent parfois de singuliers problèmes "To be or not to be", c´est à voir
Comme nous sommes prompts à former une opinion sur une personne, à la juger. Il est satisfaisant pour le mental égoïque de classer un autre humain, de lui accoler une identité conceptuelle, de prononcer sur lui un jugement vertueux.
Chaque être humain est conditionné à penser et à se comporter de certaines façons - généralement par des expériences vécues dans l'enfance et par son environnement culturel.
Vous ne voyez pas l'essence de cette personne, mais son apparence. En jugeant quelqu'un, vous confondez sa nature avec ces schémas mentaux conditionnés. Cette attitude est en soi un schéma profondément conditionné et inconscient. Vous lui attribuez une identité conceptuelle et fausse qui devient une prison non seulement pour lui, mais aussi pour vous-même.
Ne plus juger une personne, ce n'est pas ne pas voir ses gestes. C'est reconnaître que son comportement correspond à une forme de conditionnement et que vous la voyez et l'acceptez ainsi. Ce n'est pas lui fabriquer une identité.
Cela vous libère, de même que l'autre, de l'identification au conditionnement, à la forme, au mental. Ainsi, l'ego ne dirige plus vos relations.
***
Tant que l'ego dirige votre vie, la plupart de vos pensées, de vos émotions et de vos gestes émanent du désir et de la peur. Alors, dans les relations, vous désirez ou craignez quelque chose de l’autre.
Ce que vous voulez de lui, ce peut être le plaisir ou le gain matériel, la reconnaissance, des louanges ou de l'attention, ou un renforcement de votre sentiment de soi par la comparaison et l'affirmation que vous êtes supérieur à lui, du point de vue de l'être, de l'avoir ou des connaissances. Ce que vous craignez, c'est le contraire: qu'il puisse, d'une façon ou d'une autre, diminuer votre sentiment de soi.
Lorsque vous focalisez votre attention sur le moment présent - au lieu d'en faire usage comme d'un simple moyen -, vous dépassez l'ego et l'impulsion inconsciente d'utiliser les gens pour vous mettre en valeur à leurs dépens. En accordant toute votre attention à votre interlocuteur, vous écartez de la relation le passé et le futur, sauf pour des questions pratiques. En étant pleinement présent à votre interlocuteur, vous renoncez à l'identité conceptuelle que vous lui avez fabriquée - votre interprétation de son identité et de son passé - et pouvez interagir sans les impulsions égoïques du désir et de la peur. La clé, c'est l'attention, qui est la quiétude éveillée.
Comme c'est merveilleux de dépasser le désir et la peur dans les relations! L'amour ne veut ni ne craint rien.
A l'abri de la pluie
pépient les moineaux.
Ciel gris en panache
quelques nuages figés !
Vert-sombres les feuillages
sans un souffle de vent
ne peuvent s'ébrouer !
Passages sonores
des pneus de voitures
sur l'asphalte mouillée !
-2-
Il ne guette plus
un rayon de soleil.
Seul compte celui
qui se lève à l'intérieur,
loin de la pieuvre
et de ses tentacules !
Seul, avec la seule lumière,
noyé en ce gouffre
sans coins et sans rebords
il n'a d'autre issue que
de veiller à ce que
cette flamme ne s'éteigne !
-3-
La pluie de plus belle
essaye de laver la colline.
On entend sa plainte,
sent son odeur de bois mouillé.
Les oiseaux se sont tus.
Des hommes s'affairent
derrière leurs fenêtres
ou meurent peut-être
sans main pour les rejoindre
sur un lit d'hôpital !
Lui garde cette lumière
qui éclaire même
sous la mer !
-4-
Les chants des oiseaux reprennent
à la faveur d'une éclaircie.
Grondement d'un camion
qui peine dans la côte !
Quelques minutes
avant la fin du temps
se sont encore écoulées !
Il est un peu plus pauvre
un peu plus nu,
n'a plus guère d'endroit
pour se cacher !
-5-
Il lui semble avoir
usé beaucoup de mots
sans jamais trouver
celui qui le comblerait ! Raclement d'une pelleteuse !
Rafale d'un marteau piqueur !
Un merle s'égosille
entre deux gouttes,
et lui, où en est-il ?
-6-
Un silence monte
et envahit tout.
La pluie enfin a cessé.
Il s'imagine mille visages
dans les rues de la ville
qui vont et viennent
perdus en leurs histoires.
Lui n'existe plus
mais n'en éprouve
aucune tristesse !
-7-
Il devient doucement
regard sans jugement,
large comme une lueur
qui se perd entre mer
et bancs de sable,
conscience qui n'a plus peur,
trouve douceur
jusqu'au coeur des choses,
délivré des murailles,
amoureux simplement !
Une libération est toujours un ressenti. Quand un noeud se dénoue véritablement en nous, cela ressemble à une pieuvre qui serait collée sur une région précise du corps et qui semble tirer de l'extérieur tout en s'en défendant avec toute sa capacité ; tout craque, le noeud se vide. Plus l'enracinement est profond, plus la pieuvre étend ses tentacules dans tous les sens et plus cela se déchire sur son passage. Quand le noeud se libère, on éprouve une énorme jouissance, une respiration, un son primordial. Cette explosion purement sensorielle ne donne rien à penser (…)
(…) Laissez votre corps vibrer, parler et la danse continue… Inutile d’aller le rechercher. Si c’est présent, vivez avec. Vous n’êtes pas triste : vous sentez la tristesse. Vous n'êtes pas anxieux : vous sentez l'anxiété. Vous n'avez pas peur : vous sentez la peur. Sentir la tristesse est une caresse. Sans elle, de nombreuses musiques n'auraient pas été écrites, beaucoup de peintures n'auraient jamais été réalisées. Laissez cette tristesse vraiment être triste, vraiment respirer en vous, et quelque chose va se placer. Plus vous allez sentir la tristesse, plus la joie se révèle. Plus la larme va couler sur votre joue et plus vous allez vous sentir libéré, heureux, tranquille.
Vous sentez l'agitation tranquillement, sereinement. C'est un calme qui peut inclure une grande effervescence du corps et du psychisme. On peut alors parler de purification.
Laissez-vous faire. Vous devez avoir une affection absolue pour cette émotion. C'est votre trésor le plus intime. Elle va vous révéler votre liberté. Vous devez la porter dans votre coeur comme quelque chose de très précieux. Petit à petit, ce trésor va se dévoiler, ce n'est pas à vous de le faire apparaître. Il va venir à son propre rythme.
Ces émotions vont s'actualiser dans notre tranquillité et nous révéler les aspects les plus profonds de notre être. L'émotion ne nous empêche pas d'être tranquille ; au contraire, c'est elle qui nous amènera à la tranquillité. C'est la tension du corps qui va permettre la prise de conscience de ce qu'est vraiment la détente. Dans cette détente, la tension apparaît et nous révèle à son tour la détente, elle nous permet de constater ce qui est libre en nous.