samedi 30 juin 2012

Quand le cœur humain est creux et rempli que de soi…




Ou encore tous les hommes sont égoïstes, tous les hommes sont mauvais. Kant

De l’égoïste au «salaud» sartrien, juste une question de degré, là ou l’égoïste manque d’amour, il ne sait aimer que soi, *«l’ordinaire de l’homme» déborde de haine.

L’égoïste ne consent à rendre service à autrui que dans la mesure où cela ne compromet pas son propre bien être.

*«L’ordinaire de l’homme» va plus loin : il est prêt à tout, pour son propre bien, même au pire. Qui ne ferait un peu de mal à autrui, si cela doit aboutir à un grand bien pour soi ? Qui ne  s’autoriserait un petit mensonge, si c’est pour faire fortune ? Qui ne volerait, pour sauver sa peau.

*«L’ordinaire de l’homme» va plus loin : il fait subir un grand mal à autrui, pour obtenir un petit bien pour soi. Ce n’est pas à la portée de n’importe qui. Il y faut beaucoup d’insensibilité à la souffrance d’autrui, beaucoup de haine ou de violence, beaucoup de bonne conscience ou d’inconscience. Celui qui est prêt à sacrifier autrui à soi, à son  propre intérêt, à ses propres désirs, à ses opinions ou à ses rêves.

Qu'est ce que *«l’ordinaire de l’homme»? C’est un égoïste qui a bonne conscience, qui est persuadé d’être un type bien, et que le «salaud» en conséquence, c’est l’autre. C’est pourquoi il s’autorise le pire, au nom du meilleur ou de soi.

Les hommes ne sont pas méchants; ils sont mauvais et se croient bons, les «ordinaires de l’homme» sont innombrables, et convaincus de leur innocence.

«Le goût de vivre» A C-Sponville

Premier cheminement pour sortir de l'ordinaire !!!!

Le pouvoir des fleurs - Laurent Voulzy


Un pas en avant

Un pas en avant

vers le soleil levant,

un simple pas
hors du sommeil,

cela suffit
pour quitter la nuit !

Un pas même timide
sur le chemin

c'est toujours mieux
que de fermer les yeux

devant un monde
qui attend sa naissance !


vendredi 29 juin 2012

Louanges et critiques

 
 
La soif de louanges et la crainte de critiques ne peuvent que troubler inutilement notre esprit. Chacune à sa manière, ces préoccupations engendrent et renforcent notre vulnérabilité à l’opinion et aux propos d’autrui.
 
Nous sommes avides de louanges parce qu’elles flattent notre ego, et redoutons les critiques qui le menacent. Or l’avidité et le sentiment exacerbé de l’importance de soi sont tous deux sources de tourments. Lorsqu’on nous adresse des louanges, pensons que l’on ne fait pas l’éloge de « nous » en tant qu’individu, mais bien plutôt des qualités humaines et des actions constructives que nous avons eu la possibilité de manifester et d’accomplir. Ce n’est pas l’individu qui mérite d’être loué, mais la vertu qu’il exprime.
 
De même, lorsque nous faisons l’objet de critiques, si elles sont fondées, elles sont bienvenues et salutaires, car elles nous permettent de prendre conscience de défauts ou d’erreurs que nous devons corriger ou réparer. Si elles ne sont pas justifiées, à quoi bon s’en inquiéter ? La paix intérieure naît d’une conscience sereine, et non de ce que disent les uns et les autres. Il est préférable d’avoir l’esprit en paix, alors même qu’on nous impute à tort des fautes, plutôt que d’être couverts de louanges alors que nous savons fort bien avoir mal agi.
 
Les louanges et les critiques sont comme du vent, des échos, des illusions. Leur seul pouvoir de nous troubler est celui que nous leur accordons. Si nous ne nous préoccupons pas de polir notre image, nous ne craindrons pas qu’elle soit ternie. Les louanges et les critiques ne modifient en rien ce que nous sommes : elles n’affectent que notre « image », laquelle n’est que la vitrine de notre ego et le miroir des opinions d’autrui.
 
Ce qui importe avant tout c’est de vérifier à chaque instant la justesse de nos motivations, afin de les rendre les plus altruistes possible, c’est-à-dire d’être sincèrement concerné par le sort des autres tout en œuvrant par là-même à notre propre épanouissement. Il faut pour cela cultiver les vertus fondamentales que sont l’amour altruiste, la compassion, la force d’âme, la liberté intérieure et la sagesse. Si on y parvient, à quoi bon s’inquiéter du qu’en-dira-t-on ? Lorsque l’ego s’est éteint, les parleurs ne font que jaser sur un mort.
 
Une telle attitude confère une grande liberté. Comme le dit souvent le Dalaï-lama, « Certains me considèrent comme un dieu vivant. C’est absurde. D’autres me voient comme un démon, loup affublé d’une robe de moine. » Et il part d’un grand éclat de rire.

Matthieu Ricard


 

Leo Ferre - Il n' aurait fallu (poeme d'Aragon)



Il n'aurait fallu
Qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne

Qui donc a rendu
Leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines
Sa réalité
A l'immense été
Des choses humaines

Moi qui frémissais
Toujours je ne sais
De quelle colère
Deux bras ont suffi
Pour faire à ma vie
Un grand collier d'air

Rien qu'un mouvement
Ce geste en dormant
Léger qui me frôle
Un souffle posé
Moins une rosée
Contre mon épaule

Un front qui s'appuie
A moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts
Et tout m'a semblé
Comme un champ de blé
Dans cet univers

Un tendre jardin
Dans l'herbe où soudain
La verveine pousse
Et mon coeur défunt
Renaît au parfum
Qui fait l'ombre douce

Il n'aurait fallu
Qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne

Incarnation

Donne un peu de corps
A ton rêve le plus pur,
Le plus large, le plus beau,
Un peu de matière
au torrent de ton âme !
Rejoins les étoiles
Qui viennent de naître,
Et crée toi aussi le monde !
 
En sursis de vivre,
Laisse advenir la vie plus loin,
Là où elle te surprendra,
Laisse grandir le feu partagé
Qui ne s’éteint pas ,
La vie qui ne déçoit pas,
Chant dont nul baillon
Ne peut venir à bout !


jeudi 28 juin 2012

Six traductions d'un poème de Wang Wei (8ème siècle ap JC)

Je préfère la dernière ! et vous ?

« Je n’ai pas reconnu le monastère des Parfums
En allé trop loin par les nuages des sommets.
Sentier désert sous les vieux arbres —
Où sonne la cloche en ces monts si profonds ?
La source s’enroue au péril des rochers,
À la couleur du soleil, le bleu des pins fraîchit.
Le soir, au creux de l’étang vide,
La paix de l’éveil apprivoise les dragons. »
— Poème dans la traduction de M. Carré

« Je ne connais pas le monastère des Parfums Accumulés.
Sur plusieurs lieues j’ai pénétré les hauteurs perdues dans les nuages.
Parmi les vieux arbres, il n’y a pas de sentiers humains ;
Au fond des montagnes, d’où vient un son de cloche ?
Le bruit des sources résonne sur les pierres qui ressortent,
La couleur du soleil sur les pins verts donne une idée de froid.
Dans le vide du crépuscule ténu, des étangs sinuent,
La méditation paisible y maîtrise les dragons venimeux. »
— Poème dans l’anthologie de M. Jacques Pimpaneau (éd. Ph. Picquier, Arles)

« Ne sachant pas où se situe le Temple Xiangji
Je marche quelques li et me perds dans les monts ennuagés
La forêt trop dense, sans aucun sentier à suivre
D’où me parvient alors ce son des cloches
Qui résonne dans cette montagne si profonde ?
Une source chuchote parmi des rochers abrupts
Des rayons froids du soleil filtrent entre les pins verts
La nuit tombe sur l’étang calme
Je prie de maîtriser le dragon venimeux »
— Poème dans l’anthologie de M. Shi Bo (éd. Quimétao, coll. Culture et Coutumes chinoises, Paris)

« Jusqu’au temple Xiangji, je ne connaissais point la distance,
Après plusieurs “li” de marche, je pénétrai dans les pics recouverts de nuages.
Au milieu des vieux arbres, nulle trace humaine n’était visible,
Mais d’où venait ce son de cloche dans la profonde montagne ?
Les torrents gargouillaient sur des falaises escarpées,
La lueur froide du soleil accablait les pins verdoyants.
Dans le crépuscule brumeux, apparaissait un étang à sec,
Comme si on l’avait débarrassé du dragon venimeux. »
— Poème dans la traduction de M. Wang Chia-yu (éd. You Feng, Paris)

« Je ne sais où se trouve le Temple Xiangji ;
En quelques li, je pénètre la cime perdue dans les nuages.
De vieux arbres, point de sentiers.
Dans les montagnes profondes, où résonne cette cloche ?
Le murmure de la source sanglote aux rochers escarpés.
Le soleil colore les pins froids et verts.
À la tombée de la nuit, près du gouffre vide,
La méditation paisible maîtrise les dragons venimeux. »
— Poème dans la traduction de MM. Wei-penn Chang et Lucien Drivod (éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris)

« Qui le connaît, le temple du Parfum-caché ?
À plusieurs li d’ici, sur un pic nuageux…
Sentiers à travers l’antique forêt : nulle trace.
Au cœur du mont, sons de cloche, venant d’où ?
Bruits de sources, sanglots de rocs dressés ;
Teinte du soleil, fraîchie entre les pins.
Au soir, sur l’étang désert, méditant le Ch’an,
Quelqu’un apprivoise le dragon venimeux. »
— Poème dans l’anthologie de M. François Cheng (éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris)

Gustav Mahler - Le Chant de la terre, Finale l'Adieu - Leonard Bernstein, Christa Ludwig

Sous la lumière

Sous la lumière
la ville s'allume.
Les gouttes de pluie
deviennent d'argent.

Son refuge est une lampe
et un souvenir,
l'enfant et son rêve
pur de printemps !

C'était une prairie
dans ses yeux
ou bien un océan,

mais la prairie riait
et l'on aurait aimé
dormir dans les vagues
douces de cette mer !

Tout s'éloigne !
la rue est grise,
les mots se disent,
le temps est revenu !

Et ce soir,
sous la lumière,
il est un enfant nu
qui espère !

mercredi 27 juin 2012

Subitement le bonheur

" En une fois, je me suis sentie plongée dans le bonheur et je voyais. C'est toujours du reste la même chose, cependant elle semble toujours nouvelle.  Et tout était bonheur en moi. Et je me rappelle que je regardais quelques arbres d'un square, et qu'il faisait sombre ce jour-là. Et cette idée me venait : c'est comme si je disais que ce paysage terne et insigni­fiant que je vois, c'est une apothéose d'un printemps lumineux, tellement je me sens comme transportée dans d'autres régions. Je ne sais pas si on voit, mais on voit cependant les rues et les mai­sons. Mais on regarde sans voir, et il serait impossible d'exprimer ce que l'on ressent, sinon en disant que l'on sent qu'on n’existe plus. Et je crois que c'est l'unique chose que l'on sache constater, je dirais, et qui donne, pour ma part, un surcroît de bonheur, si cela était possible. On perçoit sans doute que la contemplation dans laquelle on se trouve, ne vient pas le moins du monde de soi, de son intelligence, de son entendement, de sa volonté. Rien de soi n'y contribue.  On sent en soi ce bonheur, et on regarde, et je crois qu'on regarderait toute l'éternité sans pouvoir s'en détacher. C'est comme si on écoutait et comme si on ne savait plus rien écouter d'autre. Et je me rappelle que je me disais un moment donné (mais on ne se rappelle presque rien par après) : ce serait impossible de trouver un mot pour exprimer le bonheur où je suis. Et que je me disais : «On pourrait dire que tout est tel­lement incompréhensible, et cependant plus réel que tout ce que l'on voit de ses yeux humains. En un moment, on a une com­préhension telle, et avec une telle clarté et facilité totale — mais cette compréhension est un ravissement, et rien de soi-même ne saurait intervenir. Car ici on regarde, on comprend, on aime ; mais tout cela en même temps et sans l'ombre d'un raisonnement."

Jeanne Schmitz-Rouly (1891-1979), Journal Spirituel, § 46

Abida Parveen


Trois bergeronnettes

Trois bergeronnettes
sur la pelouse
jouent à se poursuivre
sous un ciel d'orage.
Elles sont vives et gaies !

Il aimerai jouer avec elles
mais il traîne ses pensées,
lourd sac inutile,
alors qu'elles jubilent !

Trois bergeronnettes,
maîtresses de vie,
lui ont fait signe !





mardi 26 juin 2012

Esprit et pensées


Telles des vagues, toutes les activités de cette vie se sont déroulées sous forme de flux et de reflux incessants, ne laissant finalement qu’un sentiment de vide. Notre esprit est habité d’innombrables pensées, chacune d'elles donnant naissance à beaucoup d'autres, ce qui ne fait qu'augmenter notre confusion et notre insatisfaction.
En examinant de plus près ce qui se cache derrière nos habitudes les plus courantes, nous nous rendons compte que nous sommes fondamentalement incapables d’en analyser correctement les mécanismes sous-jacents.

En demeurant davantage attentifs, nous constatons que le monde des phénomènes ressemble à un arc-en-ciel éclatant, multicolore mais sans existence propre.
Lorsqu’un arc-en-ciel fait son apparition, plusieurs couleurs magnifiques parsèment l’azur – sans qu’il nous vienne par contre à l’esprit de s’en draper comme une pièce de vêtement ou comme une parure. Il n'y a rien que l'on puisse tenir dans notre main. Sa survenance ne résulte que de la conjugaison de conditions variées. Le jaillissement des pensées procède de la même manière. Elles n’ont ni réalité tangible ni existence intrinsèque. Il n'y a aucune raison logique qui fasse que les pensées pourraient avoir sur nous une emprise aussi forte, nous réduisant ainsi en esclavage.
Il ne faut pas conférer aux pensées plus d’importance que nécessaire. Une fois que l’on reconnaît que les pensées sont vides, l'esprit n’a plus le pouvoir de nous tromper. Mais aussi longtemps que nous leur prêterons une réalité propre, elles continueront de nous assaillir sans fin . Pour en venir à maîtriser notre esprit, nous devons être conscients de ce qu’il convient de faire et d’éviter. De même, il nous faut demeurer alertes et vigilants en portant une attention soutenue à nos pensées, à nos paroles et à nos actes.
Pour mettre un terme à l’attachement, il est important de comprendre que tous les phénomènes sont vides. Ils sont comme l'eau qui apparaît dans le désert et qui n'est en fait qu'un mirage. La beauté et la laideur des formes ne sont utiles ni ne causent de tort à l'esprit. Libérez-vous de l’espoir et de la peur, de l’attraction et de la répulsion et agissez en toute équanimité en considérant que tous les phénomènes ne sont que des projections de votre propre esprit.
Réaliser que les phénomènes et le vide ne sont qu'un, s'appelle simplicité ou libération des limites conceptuelles.

Dilgo Khyentsé Rinpoché
 


Just So - Agnès Obel


Grâce entière


Le poulain aux pattes
trop frêles cherchent
de l’ombre près du ventre
de sa mère qui, sans cesse,
agite sa tête pour échapper
aux morsures des mouches !

Ils sont là, à la lisière,
se déplacent par accoups,
images fugitives
habillées de silence !

Les lignes de leur corps
sont aussi pures
que celle de l’horizon,
aussi nobles
que les nuages
qui ne connaîtront
jamais le mal,
torture au cœur de l’homme !

lundi 25 juin 2012

l'egomobile



Ne trouvez-vous pas que la sacro-sainte bagnole est dans notre société, un lieu privilégié pour affirmer son "moi"?

C'est un espace fermé et protégé d'où l'on peut cependant appréhender le monde au travers de vitres, en contact avec l'autre en même temps que séparé, petite bulle concentrée sur le conducteur-possesseur fièrement installé aux commandes, éventuellement entouré de passagers qui, quoique incorporés dans le petit univers du chauffeur se trouvent soumis à sa volonté puisqu'ils ne conduisent pas, la voiture est un véritable ego roulant. Depuis sa position de contrôle (voir à quel point toutes les publicités automobiles insistent sur la notion de "puissance" de "maîtrise", et de "contrôle"), le conducteur se lance agressivement à la rencontre d'un monde "extérieur" censé lui appartenir, être réservé à son usage personnel, et comme tel soumis à son bon plaisir.

L'egomobiliste roule sur "sa" route à lui, au détour de laquelle, il croise un plus ou moins grand nombre d'autres qui, c'est entendu, conduisent "mal" -en tout cas, moins bien que lui- ont l'imprudence de lui bloquer le passage ou de le contraindre à ralentir sa course implacable alors qu'ils ne devraient en fait tout simplement pas se trouver là.

Profitez donc à plein de cet espace privilégié pour vous identifier à votre véhicule, vitrine rutilante de votre auguste moi. A peine monté à bord, laissez vos inhibitions et autres convenances superflues. Vous êtes le maître, dieu de l'asphalte, roi de la route, autant dire de l'univers. Ayez pour premier principe de ne jamais respecter les limitations de vitesse. A pied, il vous faut bien plier aux usages, mais une fois en voiture, vous voilà intouchable, soumis à aucune loi que la vôtre, la seule légitime.

Un autre ose-t-il, le manant, hésiter une seconde avant de tourner à droite, assourdissez-le de votre klaxon, inondez-le d'injures que vous n'auriez jamais le front de prononcer sur un trottoir.


Et si l'impensable se produit, si un faquin a, sur cette autoroute, l'audace de vous dépasser, redépassez-le à la première occasion, histoire de bien lui signifier votre suprématie en même temps que son insondable insignifiance. Garez-vous, minables, et faites place au maître!

Panneaux, limitations de vitesse, pfff...Il est bien entendu que ces limites, certes nécessaires pour les autres, ne s'appliquent pas au chauffeur très spécial que vous êtes et que toute intervention visant à vous les faire respecter constitue un outrage.

En résumé, chaque fois que vous montez en voiture, assurez vous que ce soit bien l'ego qui s'installe au volant, mains crispées et tout entier tendu vers un but qui recule au fur et à mesure que le véhicule avance. Observez bien le code de l'egomobile: collez au train de ceux qui par erreur, vous précèdent; à chaque feu rouge, trépignez, n'ayez de cesse qu'il soit passé au vert; au moindre ralentissement, gesticulez, klaxonnez, manifestez votre déplaisir...


...Chaque trajet deviendra ainsi une occasion d'être emporté et identifié à vos fantasmes de toute puissance.

 Gilles Farcet 
"Manuel de l'anti-sagesse"






 

Moustaki, il est trop tard



Stand up

Il y a la peine,
il l'entend,
sous tous les cieux,
la peine humaine,

et le rire des repus,
des satisfaits d'eux-même !

Il y a le poème
comme une arme
contre toute haine
pour que cette terre
reste humaine !

Il y a le souffle
qui t'aide à te lever
pour que d'autres
se lèvent et rejoignent
ceux qui s'aiment !


dimanche 24 juin 2012

Nos ombres



Il y a toutes ces réactions aux offenses de l'existence que l'on refoule; on avale la gifle qu'on aurait dû rendre, mais on ne la digère pas. C'est l'ensemble des impulsions essentielles et des réactions existentielles qui forment ce qu'on appelle l'ombre. Cette ombre se personnifie plus ou moins en nous-mêmes.

C'est ainsi que je demande à chaque femme qui vient me voir: "Avez-vous déjà rencontré la sorcière en vous-même? "
"Moi, une sorcière...?"  Mais plus cette femme a l'air étonné et plus elle a en elle une sorcière!

Et à chaque homme je demande s'il a déjà reconnu le loup qui l'habite? Vous rencontrez un homme et vous avez envie de le mordre, mais en lui serrant la main vous direz: "Je suis content de vous voir!"

Nous vivons tous dans des mensonges extraordinaires parce que éduqués dans une éthique de comportement. Ce qui est bien nécessaire.

(...)

C'est ce qui m'intéresse dans mon travail, c'est la vérité vécue, c'est l'être authentique. Ce qui ne veut pas dire qu'on doive aller jusqu'au crime si on ressent en soi une agression. Mais on doit accepter l'ombre. Accepter l'ombre ne veut pas dire qu'on doive la vivre. Être authentique c'est accepter de voir  qu'on est ce qu'on est et pas ce qu'on imagine être en regardant son personnage dans un miroir.

"Le centre de l'être"
Karlfried Graf Dürckheim

Toujours Magdalena Kozena


Proche de la déchirure

-1-

Dans cette absence disparu
près des nuages immobiles,
il suit une hirondelle
qu'aucune fenêtre ne retient.
Les feuillages sur la colline
se balancent avec douceur.
Ailes luisantes, un corbeau
passe et repasse !
Volée de cloches lointaines !

-2-

Si on lui demandait
ce qui l'habite intérieurement,
il y aurait une litanie
de voix humaines
qui se rassemblent
et cherchent un passage
dans la mer du ciel
comme les frêles hirondelles
de ce dimanche laiteux.

-3-

Rien d'autre que des voix !
Voix souvent
qui ne comprennent pas,
voix perdues sans appui
et dont il est le compagnon,
voix qui se délivrent
de l'effondrement,
ruines et cendres
auprès de l'unique fleur
qui joue avec la lumière !

-4-

Voix passées au crible
de l'angoisse qui cherchent
des visages où reconnaître
leur nom d'homme
et vont brisées seulement,
crécelle au coeur,
dont on s'écarte
invisiblement !

-5-

Il est avec ses voix
si proche d'une naissance
lorsque l'élan de l'enfant
est accueilli d'un simple
sourire radieux
et que profondément
le fil se renoue
entre les vivants et les morts !

-6-

Tout se pardonne alors
dans un cercle qui se referme.
Le vent a emporté
les dernières lettres
d'un pourquoi sans réponse !
Ne reste plus que noblesse
des feuillages qui dansent !
Il pose sa tête doucement
sur l'épaule d'un monde
où il fait bon !

-7-

Il écrit ces quelques mots
avec son dénuement.
Il écrit humain
comme on goûte du pain
et boit un verre
d'eau fraîche
au sortir d'une fièvre,
habité de silence,
proche de la déchirure
où l'on respire enfin !


samedi 23 juin 2012

Le rejet



Émotion bouleversante, dévastatrice. Dans notre société de consommation, le rejet fait malheureusement partie de la façon de vivre l'humain. On consomme, puis on rejette. Comme si l'humain était un produit de consommation!!!!

Toutefois, chez la personne qui vit le rejet (cette forme d'abandon) s'ajoute la perte d'estime de soi, de confiance en soi et aux autres. Une certaine fermeture sur le monde survient, souvent par mesure de protection, car la douleur et la souffrance sont vives, intenses parfois invivables. Le corps protège en fermant toutes les portes. Alors s'enclenche un certain processus d'auto-destruction car nous ne sommes plus totalement soi car on a rejeté notre soi. On interprète alors le rejet comme étant la négation de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes. Le rejet nous fait malheureusement croire que notre valeur, en tant qu'humain, se définit par l'oeil de l'autre. Piège qui vient fausser la réalité, notre compréhension de l'évènement. On se retire alors qu'il serait souhaitable de s'ouvrir. S'ouvrir à ce qu'il y a de plus beau en nous. S'ouvrir à ce qu'il y a de plus lumineux en nous.

Trop souvent, on interprète le rejet comme étant la résultante du fait que nous ne sommes pas beau, intéressant, intelligent,... On s'évalue, mais selon le regard de l'autre. N'aurait-il pas là un puissant message de la vie que nous inversons les choses? Si l'autre nous rejette, pour une raison ou une autre, pourquoi faudrait-il se détruire, douter de soi? Peut-être avons-nous été rejeté parce que notre vérité choquait, dérangeait? Peut-être avons-nous été rejeté parce que nous ne répondions pas aux attentes que l'autre avait à notre égard? Peut-être avons-nous été rejeté parce que l'autre ne voulait et ne soutenait plus de voir son propre miroir en nous? Peut-être avons-nous été rejeté car l'autre n'arrivait pas à nous contrôler et contrôler la situation? Pourquoi, la sensation de rejet devrait-elle alors être source de destruction?

Le rejet, aussi douloureux soit-il. ne pourrait-il pas être source de croissance? De croissance dans le sens le plus positif. N'y a-t-il pas là une formidable possibilité de comprendre l'attachement/détachement? N'y a-t-il pas là la formidable possibilité de s'ouvrir à toute notre dimension humaine et divine en nous?
En y repensant, est-ce vraiment nous qu'on rejette où nos idées, notre façon de penser, notre vérité, nos valeurs... Est-ce l'autre qui détient notre vérité? Son regard sur nous doit-il devenir le nôtre?

Oui, le rejet est douloureux. Oui, le rejet fait mal, nous blesse implacablement. Mais cette blessure n'est-elle pas le signe que nous avons peut-être misé un peu trop sur le regard de l'autre? Avait-on, peut-être, trop remis notre pouvoir entre les mains de l'autre, en oubliant, bien humainement, que nous sommes responsable de notre propre pouvoir? En bout de ligne, le rejet ne serait-il pas l'occasion de se réajuster, par rapport à notre propre vision de notre vie, de nous-mêmes et de la façon où nous accordons notre pouvoir aux autres? »

Sandalphon




Mahler - Symphony No 2 'Resurrection' Final Part

Encore plus beau !


Mahler - Ich bin der Welt abhanden gekommen - Kožená / Abbado

Sublime !


Ce qu'il t'offre

Ce qu'il t'offre
n'est rien de plus
qu'un grand ciel clair
pour que tu t'y aventures !

Ne te retourne pas,
ne t'accroche pas !

Vos ailes se frôlent
mais ne se rejoindront pas !

Sa joie profonde
est ton envol !

Regarde comme
les astres sourient
quand on s'en approche !

Regarde comme
la terre est belle
lorsqu'elle n'est plus
prisonnière !




vendredi 22 juin 2012

Venez jusqu'au bord

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Venez jusqu’au bord.
  Nous ne pouvons pas, nous avons peur.
 
 
Venez jusqu’au bord.
  Nous ne pouvons pas, nous allons tomber.
 
 
Venez jusqu’au bord.
 
 
Et ils y sont allés.
Et il les a poussés
 
 
Et ils se sont envolés.
                                 
 
Guillaume Apollinaire

Camille - le berger





A l'orée de la berge et du large
Est une étrange vallée
Où languit dans le lit de la vague
Un jeune berger
Allongé dans les bleus pâturages
Il garde sans regarder
Ballotés dans les flots sous l'orage
Les moutons égarés

Si tu gardes à l'intérieur ce qui te guide à l'extérieur
Alors vu de l'intérieur tu ne changes pas
Si tu laisses à l'extérieur ce que tu guides à l'intérieur
Alors vu de l'extérieur ça ne change pas

Doux agneaux effilant leur lainage
Aux algues se sont mêlés
Et le jour où les brebis sont sages
La mer donne du lait

Si tu gardes à l'intérieur ce qui te guide à l'extérieur
Alors vu de l'intérieur tu ne changes pas
Si tu laisses à l'extérieur ce que tu guides à l'intérieur
Alors vu de l'extérieur ça ne changera pas
Ça ne changera pas

S'il est là le berger, c'est qu'à l'âge
Où l'on rejoint les cités
Il n'a su trouver fille au village
A marier

Tout là haut sous les cieux de l'alpage
Des falaises, il s'est jeté
S'il l'a fait pour les yeux de Bergale
Nul ne le saura jamais

Si tu gardes à l'intérieur ce qui te guide à l'extérieur
Alors vu de l'intérieur tu ne changes pas
Si tu laisses à l'extérieur ce que tu guides à l'intérieur
Alors vu de l'extérieur ça ne changera pas

Les voix du soir


                       
                         On parlera encore
                         mais ce seront des paroles
                         qui tintent avec les verres
                         et la féérie du soir.

                         Tout est là, autour de la table
                          avec les cris de joie
                          au fond du jardin.

                          Pourquoi a-t-il eu si peur ?

                          Qu'il se donne donc
                          jusqu'en son sommeil de sable.
                          Le vent du rêve vient
                          lui desserrer les mains,
                          et l'acier qui l'entoure
                          est une vague verte
                          qui porte son élan.

                          Il commence maintenant,
                          avec la douceur des voix
                          qui s'éteignent,
                          le bruissement de la nuit
                          qui l'a amené à son chant
                          le plus intérieur !




jeudi 21 juin 2012

A l'approche de l'orage !



"Storm in Harvest" 1856

~John Linnell (1792 - 1882)

Rien n'arrive pour rien

 
Asad raconta son histoire. Il était une fois, au Maroc, une jeune fille dont le père était fileur. Le commerce du père devint florissant et il entreprit un voyage à travers la Méditerranée pour vendre à l'étranger le fil qu'il avait fabriqué. Il emmena sa fille avec lui et lui dit qu'elle pourrait profiter de l'occasion pour se trouver un bon mari. Une terrible tempête surgit et la barque fit naufrage. Le père mourut et la jeune fille fut jetée sur le rivage. Épuisée, affamée, à peine capable de se rappeler son passé, elle fut finalement recueillie par une famille de tisserands. Elle apprit à fabriquer de la toile et se trouva heureuse de son sort. Un jour où elle se promenait sur la plage, elle fut enlevée par des marchands d'exclaves, emmemée en Turquie et vendue sur le marché d'Istanbul. Un homme qui était venu pour acheter des esclaves aptes à l'aider à fabriquer des mâts de navire vit la malheureuse jeune fille, la prit en pitié et l'emmena chez-lui pour en faire la servante de sa femme. Des pirates avaient pillé la cargaison qu'il venait d'acquérir et il n'avait plus d'argent pour acheter d'autres esclaves. Il continua donc de fabriquer des mâts avec l'aide de sa femme et de la jeune fille. Celle-ci travailla avec tant d'ardeur et de conscience que son maître décida de l'affranchir et de la prendre comme associée, ce qui la remplit de joie.
Un beau jour, elle fut chargée d'accompagner un chargement de mâts en direction de Java. Elle s'embarqua mais, au large de la Chine, le navire fut détruit par un typhon. La jeune fille fut de nouveau rejetée par la mer sur un rivage inconnu et de nouveau se lamenta de son destin. "Pourquoi faut-il que tous ces malheurs m'arrivent à moi?" s'écria-t-elle. Il n'y eût pas de réponse. Elle traversa la plage et commença à marcher à l'aventure.
Une vieille légende chinoise racontait qu'un femme légendaire viendrait et qu'elle frabriquerait une tente pour l'empereur. Personne, en Chine, ne savait construire une tente et les générations successives s'interrogeaient sur le sens de la prédiction.
Une fois l'an, l'empereur envoyait des émissaires dans tout le pays afin qu'ils ramènent au palais les jeune femmes étrangères. Cette année-là, les émissaires trouvèrent la naufragée et la conduisirent devant l'empereur. Un interprète lui demanda si elle savait construire une tente. "Il me semble que oui", répondit-elle. Elle demanda de la corde, mais les Chinois n'en avaient pas. Se souvenant de son enfance et du métier de son père, elle demanda de la soie et en fit une corde solide. Elle demanda de la toile épaisse, mais le Chinois n'en avaient pas. Se souvenant de sa vie au milieu des tisserands, elle tissa la toile épaisse dont elle avait besoin. Elle demanda des piquets de bois, mais les Chinois n'en avaient pas, alors, se souvenant de sa vie avec le fabricant de mâts, elle confectionna des piquets de tente. Ensuite, elle essaya de se rappeler du mieux qu'elle pouvait à quoi ressemblaient les tentes qu'elle avait vues dans sa vie. Elle monta donc une tente. L'empereur admiratif, ravi que la prophétie ancienne se soit réalisée, lui offit de réaliser tous ses voeux. Elle épousa un beau prince et resta en Chine, où elle connut une longue vie heureuse, entourée de ses nombreux enfants. Elle comprit que tous les événements tragiques qu'elle avait vécus avaient un sens et qu'ils avaient finalement contribué à son bonheur.

Conte oriental rédigé par Cwyneth Cravens



Donne-moi une raison / Jean-Louis Aubert

Sans issue

L'impasse n'a pas
de murs.
On y entend
des chants d'oiseaux
qui confondent
l'aube et l'aurore.

Les sources jaillissent
et disparaissent,
mais sont
sans chemin.

On est seul
à comprendre
qu'on ne comprendra pas,

et que le vent
une fois de plus
effacera les mots
comme des traces de pas !


mercredi 20 juin 2012

L'espérance

"L'espérance est un petit oiseau qui se perche sur notre âme et qui chante une chanson sans paroles, sans jamais se lasser."

Emily Dickinson



Claude Nougaro, il faut tourner la page


Il faut tourner la page
Changer de paysage
Le pied sur une berge
Vierge
Il faut tourner la page
Toucher l´autre rivage
Littoral inconnu
Nu
Et là, enlacer l´arbre
La colonne de marbre
Qui fuse dans le ciel
Tel
Que tu quittes la terre
Vers un point solitaire
Constellé de pluriel
Il faut tourner la page...
Redevenir tout simple
Comme ces âmes saintes
Qui disent dans leurs yeux
Mieux
Que toutes les facondes
Des redresseurs de monde
Des faussaires de Dieu
Il faut tourner la page
Jeter le vieux cahier
Le vieux cahier des charges
Oh yeah
Il faut faire silence
Traversé d´une lance
Qui fait saigner un sang
Blanc
Il faut tourner la page
Aborder le rivage
Où rien ne fait semblant
Saluer le mystère
Sourire
Et puis se taire


Le hêtre pourpre


En ouvrant la fenêtre,
le hêtre pourpre
qui domine la colline
était là autrement,
dans l'horizon ivoire
près du nuage qui s'étire.

Il ne dormait plus
comme au centre
de la fraîcheur du soir.
Les bruits de la ville
avaient perdu leur force.

Le hêtre pourpre
était devenu une porte.
Il inspirait le fracas,
il expirait d'invisibles oiseaux
qui frôlent les maisons
où l'on se croit à l'abri.

La fenêtre s'est refermée.
La paix de l'arbre
sans protection
a tout envahi !



mardi 19 juin 2012

Rumi, "ne retourne pas dormir"

La fraicheur de l'aube a des secrets à te dire.
Ne retourne pas dormir.
 
Tu dois demander ce que tu veux vraiment.
Ne retourne pas dormir.

Les gens vont et viennent et ainsi de suite
A l'endroit où se touchent les deux mondes
La porte est ronde et ouverte.
Ne retourne pas dormir.


Rumi
 
 

Anna Prucnal, "chante ta nostalgie"

Dans le jardin


Les arbres chantent.
Dans cette déchirure
du bleu apparait.

Rose, pourpre, violet
le rhododendron
dans la courette
rayonne même
sans un regard.

Les iris aussi
sont seuls.
Ils naissent,
ils meurent.

Des fourmis muettes
se protègent
de la pluie
sous la rhubarbe.

Un chat blanc
passe sous le grillage.

Jour après jour,
nuit après nuit,
un homme rêve
que son rêve est fini !