La richesse ou la pauvreté de notre expérience corporelle détermine notre expérience des autres, notre vision politique, notre conception de ce qui est possible, admissible, juste. Ceux qui voudraient refaire le monde -et qui n'en rêve pas?- ne peuvent le faire qu'à leur propre image.
Mais si leur image d'eux même est fragmentaire, confuse, si leur corps est troué de zones mortes où toute sensation a été réprimée, ils peuvent toujours rêver. Ils ne pourront rien faire de sainement structuré, de vivant, de juste, rien faire qui se tienne debout, rien faire qui ne soit avant même d'être accompli, saboté.
Celui dont le corps est rigide de répressions, de souffrances niées, qu'il le sache ou non-, qu'il y attache ou non de l'importance-, ne pourra jamais agir s'il arrive momentanément au pouvoir, que d'une manière répressive. Devenu le plus fort, il deviendra automatiquement dominateur car il sera toujours lui-même dominé par un ennemi occulte: ses propres automatismes...
Faire face à son passé et à son état présent est une terrifiante gageure. Elle n'est pas à entreprendre par ceux qui fuient le monde, par ceux que concernent seulement leur confort. La prise de conscience de soi n'est guère confortable.
Reconnaître que l'ordre parental, l'ordre social, l'ordre politique sont inscrits dans son corps, qu'ils ont rigidifié son comportement et sa pensée, réduit son champ d'action, est une expérience qu'il faut un sacré courage pour aborder. Il est évident à tous ceux qui s'y sont aventurés que la connaissance de soi n'est pas une fin en soi. C'est un début, un premier pas à partir duquel tout est à faire, à revoir, à re-sentir...
La conscience de soi est une ouverture vers de nouvelles options, de nouvelles actions spontanées, originales, individuelles, isolées, qui elles, et peut-être elles seules, peuvent être renversantes, c'est à dire révolutionnaire.
Thérèse Bertharat et Carol Bernstein: Courrier du corps, nouvelles voies de l'antigymnastique.
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