lundi 13 août 2012

L'écharde



Nous commençons notre périple en étant tout à fait présents et plein de reconnaissance. Le soleil brille, les oiseaux chantent. Puis nous nous heurtons un orteil; A ce moment là, le monde est réduit à notre pauvre petit orteil.  Et pendant un jour ou deux nous marchons avec difficulté. A chaque pas, ce pauvre petit orteil nous revient à l'esprit.

Notre vigilance doit alors décider de ce qui déterminera notre journée: la douleur ressentie à l'orteil blessé quand nous marchons ou le miracle de la vie toujours en action.

Et c'est quand nous nous attardons trop aux petites choses que la misère rentre en jeu. En réalité nous commençons toujours par ne rien tenir pour acquis, par être reconnaissant d'avoir assez à manger et d'être suffisamment en santé pour pouvoir le faire. Mais, d'une manière ou d'une autre, au fil des jours, notre attention rapetisse comme l'objectif d'un appareil photo peut rapetisser un paysage. Et un soir, à l'heure du repas, nous voilà vexé parce qu'un plat n'est pas assaisonné à notre goût.

Quand notre horizon rétrécit, seul le problème reste.

En fait, la misère est un petit moment de souffrance auquel on accorde toute la place. Alors, quand nous nous sentons misérable, nous devons porter notre regard au-delà de ce qui fait mal.

Quand nous avons une écharde quelque part et que nous essayons de l'enlever, nous devons nous rappeler qu'il y a un corps, un esprit, un monde qui n'est pas une écharde.


Mark Nepo




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